Porcelaine, décalcomanie, plâtre, marbre, végétaux, paraffine, 2019-2020, exposition collective « Ruines et Pixels » Espace culturel Assens 2020,
Des espaces résiduels
Treize carreaux de porcelaine, de plâtre, et de marbre comme autant de territoires rêvés par l’artiste Laure Gonthier : blancs, gris, parfois légèrement bleutés, et cotonneux comme ses souvenirs. Parmi eux, trois familles : les carrés de plâtre, eux, sont façonnés en bas-reliefs et évoquent pour l’artiste la maquette d’architecture et le paysage ; comme un point de départ pour explorer le thème de l’exposition Ruines et Pixels : des maquettes avec des jeux d’empreintes ; la marque de gestes dans la terre, transférés ensuite sur le plâtre coulé.
Ensuite, il y a les carreaux de porcelaine, recouverts d’un céladon vert-bleuté ramené d’un séjour en Chine. Des surfaces planes cette fois-ci, comme les pages d’un carnet, où sont imprimées des photographies des étapes ordinaires du travail de l’argile crue dans l’atelier : mouillée, effritée, malmenée, avec ici aussi les empreintes et les traces des explorations de la main de l’artiste.
Finalement, il y a les modelages en porcelaine cuite, posés sur des carreaux de marbre : des sculptures comme une autre manière encore de figer un état de la matière, celui, éphémère, qu’on ne montre habituellement pas : cette terre humide malaxée puis battue qui normalement deviendrait autre chose. Il y a un moulage de pierre aussi, surmonté de végétaux figés dans la cire, pour pas qu’ils ne meurent. On dirait que ça fond. Comme un iceberg. C’est l’immuable fin du monde sur un fond blanc-bleu glacé. Dimension vaporeuse. Irréelle.
Treize carreaux pour suspendre le temps ou du moins pour capturer des instants de la matière ; pour documenter ou rendre visibles les étapes d’une construction. Treize formes ambiguës et à la fois une identité organique certaine : c’est le minéral, le végétal et la glace. Et puis il y a aussi l’humain : son lien avec le paysage ; la trace de l’outil, l’empreinte du corps, toujours. Pour Laure Gonthier, plutôt que l’idée, c’est d’ailleurs toujours le geste qui est le moteur ; sa répétition aussi ; la fabrique par explorations au fil des mois, guidée par la nature des matériaux. Un travail de la transformation donc, en accord avec le paysage changeant, de pleine nature, que l’artiste voit quand elle regarde par la fenêtre de l’atelier.
Une série d’oeuvres qualifiée de primitive par Laure Gonthier, de par l’histoire millénaire de la céramique, sa dimension charnelle, et l’apparence brute qu’elle peut prendre aussi. A la fois, c’est un travail d’émancipation et d’appropriation par un recours à des techniques de sculpture anciennes que Laure Gonthier fait migrer vers des projets animés par des préoccupations et une esthétique absolument contemporaines.
Clotilde Wuthrich
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